Dieu semble être un être de silence. II pèse chacun de ses mots, car chacun de ses mots a le visage même de son Fils. Dieu n’a pas parlé à la légère, il n’a pas donné des lois, mais son Fils. Sa parole à lui est une Parole Vivante. Alors pourquoi attendre de lui mille autres paroles ?
Si Dieu semble se taire, c’est qu’il a déjà parlé, et qu’il souhaite avec intensité qu’on se réfère à cette Parole que nous n’écoutons pas toujours, et mettons encore moins en pratique.
Nous sommes embarqués au quotidien dans un torrent de mots, des mots écrits, des mots parlés, d’écrans, d’images et de connections, de débits, de bandes passantes… et nous avons pris l’habitude d’user les mots, de les utiliser pour donner à nos consciences de « bonnes paroles » qui les apaisent à peu de frais. On se rassure nous-même. Mais Dieu a horreur des bonnes paroles. Devant Pilate, Jésus se tait. Ce silence est insupportable : il révèle à chacun qui il est et qui est l’autre. La parole cache, le silence dévoile.
Ainsi, pour le théologien-sociologue Jacques Ellul, l'homme occidental moderne a tué le sacré ancien : la religion est désacralisée, la nature est désacralisée, et Dieu lui-même se trouve désacralisé par la technique. Mais l'homme ayant besoin de divin pour exister, c'est la technique qui est à son tour sacralisée, et dans laquelle il place tout son espoir. Mais ce progrès est source de violence économique et amène progressivement à une déréliction sociale et surtout spirituelle.
Si Dieu semble absent de l'histoire de homme moderne, c’est parce que l'homme ne veut plus de Lui. L'homme se pense autonome et sans dieu, et se retrouve finalement face à lui-même dans des crises existentialistes. Pour Thomas d'Aquin, c'est parce que le chrétien croit qu'il peut espérer[]. Mais il y a une différence entre espoir et espérance. Toujours pour Jacques Ellul, aucun espoir n'est possible devant le silence de Dieu et encore moins au sein d'une société obnubilée par la technique. Reste l'Espérance, qui est d'une autre dimension que la foi.
Le silence de Dieu, son retrait apparent du monde, serait pour certains le signe que Dieu est mort. Mais l'Espérance chrétienne se situe précisément ici : croire que Dieu n'est pas mort, qu'il entend et qu'il répondra à nos prières. L'Espérance doit toujours être présente, et doit nous permettre de continuer à faire confiance à Dieu, et d'agir dans le monde, malgré son silence apparent.
Hors, ce silence doit justement pousser l'Homme a rester à l’écoute de Dieu, mais il doit également le pousser à l'action. Il doit l’inciter à œuvrer à l’avènement du Royaume de Dieu, en se laissant configurer au Christ serviteur, en consacrant son temps et son énergie à améliorer la vie de ses contemporains à travers les vertus théologales de l’Eglise : la Foi, l’Espérance et la Charité.
Ainsi, la rencontre et le dialogue entre Dieu et les hommes, au delà du silence de Dieu, ne peut se faire que dans la prière et les sacrements, au premier rang desquels se trouve l’Eucharistie : Dieu y vient à la rencontre de l’Homme, Dieu y vient nous parler.